Zumarragurdi, également connu sous le nom de Zugarramurdi en navarrais, est un village du Pays basque situé à proximité immédiate de la frontière entre l’Espagne et la France. Niché dans les collines de la Navarre occidentale, il se distingue par sa taille modeste, son ancrage historique et un héritage culturel étroitement lié aux croyances rurales anciennes. Avec moins de 250 habitants permanents, ce bourg basque constitue un exemple vivant de la persistance des pratiques communautaires rurales dans un environnement façonné par l’agriculture traditionnelle, la transhumance et l’organisation villageoise. Les constructions s’organisent autour d’un noyau central dominé par une église du XVIIIe siècle, avec des habitations à pignons typiques et un tissu de ruelles pavées qui témoignent d’un urbanisme ancien.
Cadre géographique et organisation du territoire
Situé à environ 400 mètres d’altitude, Zumarragurdi est traversé par de petits cours d’eau issus des contreforts pyrénéens. Le village est inséré dans une vallée relativement isolée, dont l’accès s’effectue par des routes sinueuses depuis Urdax ou depuis Sare, côté français. Le climat y est humide, influencé par les masses atlantiques, ce qui favorise des pâturages permanents et des forêts mixtes. L’économie locale repose historiquement sur l’élevage (bovins et ovins), l’agriculture vivrière et quelques activités artisanales. Les maisons rurales sont bâties en pierre calcaire ou grès rouge, souvent enduites de chaux blanche et coiffées de toits à forte pente, adaptés aux précipitations fréquentes.
Organisation sociale et pratiques communautaires
Le modèle de vie à Zumarragurdi repose depuis plusieurs siècles sur une structure communautaire organisée. Les assemblées de village, traditionnellement tenues sur la place principale ou sous les porches d’église, réglaient autrefois les affaires foncières, les pâturages communs et les obligations rituelles. Des formes de coopération ancestrales sont encore observables : l’entretien des chemins, la participation collective aux semailles ou aux battages, ainsi que des systèmes d’entraide en cas de décès ou d’incendie. Ces pratiques se transmettent de manière orale, dans un basque dialectal qui demeure la langue d’usage quotidien, même si l’espagnol est utilisé dans les relations administratives ou scolaires.
Rituels, croyances et continuités symboliques
Le village est connu pour avoir conservé des formes rituelles anciennes, en lien avec les cycles agraires. Certaines fêtes saisonnières rythment encore l’année : la montée en estive (mai-juin), les bénédictions de bétail, les fêtes patronales et les veillées d’hiver. On relève également la transmission de chants liturgiques en basque et des processions mêlant éléments catholiques et survivances préchrétiennes. L’espace naturel autour du village est chargé de représentations symboliques : arbres spécifiques (chênes, ifs), cavités rocheuses et sources sont l’objet de pratiques de dépôt ou de gestes codifiés. Ces manifestations n’ont pas de caractère institutionnel mais sont vécues comme prolongements ordinaires d’un rapport au monde non désacralisé.
La marche des sorcières et l’histoire inquisitoriale
La région basque fut l’un des principaux foyers d’accusations de sorcellerie au début du XVIIe siècle. En 1609, l’Inquisition espagnole institue à Logroño un grand tribunal qui examine quelque 7 000 cas supposés de « sorcellerie » dans la zone. L’affaire débute à Zugarramurdi lorsqu’une villageoise, Maria de Ximildegui, de retour de France, déclare avoir participé à des sabbats et dénonce d’autres habitants du village pour pratiques occultes. S’ensuit une vague de dénonciations dans plusieurs villages (Hondarribia, Zugarramurdi, Saint-Jean-de-Luz) où l’on affirme que des réunions nocturnes dirigées par le Diable – souvent incarné sous la forme d’un bouc – y étaient organisées. L’instruction aboutit en novembre 1610 à un autodafé public à Logroño : 31 personnes sont condamnées (dont six brûlées vives, les autres ayant déjà péri sous la torture). Parallèlement, en Pays basque français, le juge Pierre de Lancre mène en 1609 une chasse aux sorcières distincte, brûlant environ 80 accusées.
Dans la tradition populaire locale, les « sorginak » (sorcières) sont liées aux anciens rituels basques de la nature. Les légendes évoquent notamment la déesse souterraine Mari et d’autres esprits de la nature honorés lors de ces akelarres (sabbats), censés provoquer tempêtes et fécondité en des cérémonies nocturnes tenues le vendredi, « jour des akelarres ». À Zugarramurdi même, la célèbre grotte dite des Sorcières tire son nom de cérémonies païennes qui s’y déroulaient autrefois – désormais vues par l’Inquisition comme des sabbats démoniaques. Le terme basque akelarre, littéralement « pré du bouc », désignait par métonymie ces sabbats. Ces éléments folkloriques (chants, danses nocturnes, breuvages hallucinogènes supposés, créatures mythiques comme le basajaun ou le tartalo) ont nourri le mythe de la sorcière basque tel qu’il est resté dans la mémoire collective.
Aujourd’hui, ce patrimoine est mis en valeur sous forme de visites et d’animations culturelles. Le village de Zugarramurdi a créé un musée de la Sorcellerie qui présente le contexte historique et les croyances du XVIIe siècle, et il organise chaque année une fête populaire dans la grotte pour la nuit de la Saint-Jean en hommage aux « sorcières » locales.
Des parcours guidés et reconstitutions historiques sont également proposés : par exemple, depuis 2020 un guide basque anime la « Marche des sorcières », une randonnée transfrontalière d’environ 8 km allant des grottes de Sare jusqu’au village de Zugarramurdi, qui mêle explications historiques et légendes locales. D’autres événements (balades nocturnes costumées, spectacles de théâtre, etc.) autour du thème de l’Akelarre et des croyances basques viennent ponctuer la vie culturelle locale et perpétuer cette mémoire sans lyrisme, dans un style pédagogique et sobre.
Activités et infrastructures locales
En dehors des manifestations liées à la mémoire inquisitoriale, Zumarragurdi développe une offre locale en lien avec l’économie rurale. De petites structures proposent de l’hébergement saisonnier dans des fermes rénovées ou des logements d’appoint. On trouve également quelques commerces alimentaires, un cabinet médical tournant et une école communale qui accueille une trentaine d’élèves. La connexion au réseau mobile reste limitée dans certaines zones boisées. Le village dépend administrativement de la comarque de Baztan, à laquelle il est rattaché pour les services techniques, les aides agricoles et l’entretien de la voirie intercommunale.
Éléments repères sous forme de liste
- Langue locale majoritaire : basque navarrais (dialecte)
- Événement historique marquant : autodafé de Logroño, 1610
- Site principal : grotte dite des Sorcières
- Distance approximative jusqu’à Sare (France) : 6 km
- Nombre d’habitants permanents : environ 250
Tableau synthétique de données pratiques
Catégorie | Information | Détail |
---|---|---|
Altitude | env. 400 m | Zone vallonnée, accès par route secondaire |
Structure communale | Commune rurale | Rattachée à la comarque de Baztan |
Site culturel | Musée de la Sorcellerie | Ancienne école réhabilitée |