Le Zouave du Pont de l’Alma est un personnage bien connu à Paris, une statue baromètre qui permet d’enregistrer les variations du niveau de la Seine.
Etat d’alerte lorsque l’eau couvre le socle. Pieds mouillés, les quais sont inondés et la circulation interrompue sur la berge. Mollets touchés, bateaux-mouches et péniches restent à quai. En 1910, l’eau est montée jusqu’aux épaules du Zouave atteignant sa bouche, crue centennale catastrophique où la Seine submergea l’ensemble des quais, le rez-de-chaussée du Louvre, la gare d’Orsay pour finalement s’étendre jusqu’à la gare Saint-Lazare. Plusieurs aménagements s’ensuivirent pour sécuriser les lieux. Le destin du Zouave était tracé.
Une statue en pierre de Georges Diebolt datant de 1856
L’histoire du pont de l’Alma et de son Zouave commence le 20 septembre 1854, tournant de la guerre de Crimée où les français alliés aux anglais célèbrent leur victoire déterminante sur les russes, battus sur les rives de l’Alma. Napoléon III, à l’occasion de la première Exposition universelle, ordonne la construction d’un pont joignant l’avenue Montaigne, rive droite, au Champ-de-Mars, rive gauche et lui donne le nom d’Alma en l’honneur de ses soldats méritants.
Inauguré le 2 avril 1856, le pont constitué de 3 arches reçoit 4 statues de 6 m de haut sur ses 2 piles enfoncées dans l’eau, en hommage aux militaires des différentes armées victorieuses en Crimée, un artilleur, un chasseur à pieds, un grenadier et un zouave.
Le choix du zouave n’est pas anodin.
Le mot berbère « zouaoua » désigne une tribu kabyle qui s’est distinguée par ses prouesses et son uniforme particulier, lors des premiers mois de la conquête de l’Algérie en 1830. Si la mémoire a oublié ces funestes événements peu honorables, elle a par contre conservé l’image mythique du Zouave du pont de l’Alma. Dans les années 1970, lorsque débutent les rénovations du pont suite à un tassement de terrain, les statues sont déplacées.
Une passerelle métallique est construite qui ne possède plus qu’une seule pile. Le choix du Zouave pour orner cette unique pile a été déterminé par le symbole qu’il représentait depuis la fameuse crue de 1910, date à laquelle il accomplit son destin de mètre étalon. Sitôt que la Seine recouvre ses pieds, elle est déclarée en crue.
Le pont de l’Alma réunit 2 quartiers magnifiques, les 7e et 16e arrondissements. L’environnement qu’il surplombe est une vision qui mérite plus d’un détour.
Un indicateur des crues de la Seine
Depuis le XIXe siècle, les Parisiens observent le niveau de l’eau par rapport à la statue pour évaluer l’intensité des inondations. Quelques dates marquantes illustrent ce rôle :
- 1910 : Lors de la grande crue, l’eau atteint les épaules du Zouave, paralysant la ville pendant plusieurs semaines.
- 1955 : La Seine monte jusqu’à sa poitrine, suscitant des inquiétudes mais sans atteindre les niveaux records de 1910.
- 1982 : L’eau recouvre ses jambes, entraînant des fermetures temporaires de certaines routes sur berges.
- 2016 : Le fleuve atteint sa taille, provoquant la fermeture des voies sur berges et une surveillance accrue.
- 2018 : La crue atteint un niveau similaire à celui de 2016, confirmant la vulnérabilité de la capitale face aux débordements de la Seine.
Au fil des décennies, le Zouave est ainsi devenu un symbole de la relation complexe entre Paris et son fleuve. À chaque montée des eaux, les habitants, les journalistes et les autorités scrutent sa silhouette pour évaluer la situation.
La reconstruction du pont et le déplacement du Zouave
Dans les années 1970, le pont de l’Alma a été reconstruit pour répondre aux besoins du trafic moderne. L’ancien ouvrage, trop étroit et fragilisé, a été remplacé par une structure plus fonctionnelle. Cette transformation a conduit au déplacement du Zouave, désormais placé sur une pile unique, ce qui a modifié son rôle d’indicateur de crues.
Avant 1974, lorsque l’eau atteignait ses pieds, la Seine débordait généralement. Désormais, son positionnement ayant changé, les comparaisons avec les crues historiques doivent être ajustées. Toutefois, pour de nombreux Parisiens, il reste une référence, même si les mesures hydrométriques modernes sont aujourd’hui privilégiées.
Le déplacement du Zouave a également permis de mieux préserver la statue des effets du temps et des intempéries. Son socle d’origine, plus exposé aux courants et à l’érosion, aurait pu fragiliser l’ensemble de la structure.
Un monument toujours observé
Malgré son déplacement, le Zouave reste un point de référence pour les Parisiens. Son apparence imposante et son lien avec les crues de la Seine lui ont permis de conserver une place particulière dans l’imaginaire collectif. Il est régulièrement photographié et fait partie du patrimoine visuel de la capitale.
Aujourd’hui, la surveillance des crues repose principalement sur des outils scientifiques et des stations de mesure. Toutefois, le Zouave continue d’attirer l’attention des habitants et des visiteurs lorsqu’une montée des eaux survient.
Il arrive même que certains plaisantent sur sa situation, en lui ajoutant parfois des accessoires temporaires comme un gilet de sauvetage lors des grandes crues. Ces interventions spontanées rappellent que, malgré son aspect immobile et figé, le Zouave reste une figure vivante du quotidien parisien.
Quelques repères sur le Zouave du pont de l’Alma
Caractéristique | Détail |
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Année de création | 1856 |
Matériau | Pierre |
Hauteur | 5,2 mètres |
Sculpteur | Georges Diebolt |
Emplacement actuel | Pont de l’Alma (pile unique) |
Ancien emplacement | Ancien pont de l’Alma (avant 1974) |
Rôle originel | Statue militaire décorative |
Utilisation contemporaine | Indicateur informel des crues |
Le Zouave du pont de l’Alma illustre à la fois un pan de l’histoire militaire française et un élément du patrimoine parisien. Son rôle a évolué au fil du temps, mais il demeure une figure emblématique des crues de la Seine et continue d’occuper une place importante dans la mémoire collective de la capitale.